Vlot (Radeau) – (monument à la dérive), 2012
Dans son travail, Erwan Mahéo utilise aussi bien la sculpture que la vidéo, la photo, le collage et le patchwork. Cet usage de multiples mediums montre que son travail ne répond pas à une stratégie prédéfinie mais s’articule plutôt au gré de la recherche de formes et du développement des idées.
Mahéo a grandi à Belle-Île-en-Mer, à vingt kilomètres des côtes bretonnes. Fils de marin, il a gardé une relation particulière avec la mer. Enfant il entendait souvent son père parler de ports lointains (Dubaï, Rotterdam, Göteborg, Caracas…) et de mers inconnues, autant de notions abstraites qu’il ne pouvait alors qu’imaginer. Les cartes postales qu’il recevait n’étaient jamais que des images isolées, sans contexte et sans lien avec des terres connues où même localisables sur une carte. Aujourd’hui Erwan Mahéo vit à Bruxelles. Chaque année, il continue néanmoins de se rendre à Belle-Île-en-Mer qui fût le centre de son univers d’enfant. Là, il peut retrouver des images connues ou fantasmées. En construisant des petits radeaux avec son fils, il lui semble retisser un lien de père et de fils et partager un désir de voyage vers des destinations imaginaires et lointaines.
En premier lieu, c’est ce jeu autobiographique entre père et fils qui semble fasciner l’artiste et c’est ce qui transparaît dans la sculpture « Vlot (monument à la dérive) » avec une spontanéité que l’on ne rencontre que rarement dans le monde réel. L’idée de « dérive » est aussi associée au concept situationniste d’une errance choisie et constructive. Mahéo semble proche de ce modèle social conceptuel qui tend à abolir toute idée de propriété, de travail ou d’Etat et qui place le jeu comme un des fondements premier d’un modèle de société. La dérive, dans ce sens, est synonyme de découverte. Le besoin de contrôler mène inévitablement à une expérience fermée et individualiste de la vie où le travailleur s’abîme dans le consumérisme capitaliste. A l’inverse, la dérive ouvre la possibilité de moments de hasard heureux et d’expériences authentiques qui placent le jeu au centre de la vie.
Pour ‘Vlot’, Mahéo a fondu un petit radeau de bois en bronze. Il est perché en haut d’un très grand mat. Visible uniquement du sol, il semble flotter dans les nuages, dérivant sereinement dans les airs.

Lieze Eneman, Gand, 2012